Beguiling Tedious Hours

Artiste: Delphine Hennnelly
Exposition: Du 10 juin au 17 juillet 2021

« Beguiling Tedious Hours with Romances and Fairy Tales and Fool’s Paradises » 

– George Bernard Shaw 

Les tentations :

5 réflexions sur Delphine Hennelly

1. Prenez tout en entier. Avec voracité. Les silhouettes, les corps charnus et les tissus, comme ils viennent à vous. Des rectangles ardents d’un autre temps. Et à l’intérieur de ces rectangles se trouvent aussi des codes secrets et des récits, écrits avec des objets et des mots tracés d’une main hésitante. Absorbez les images à la fois douces et dures, peintes à l’huile, afin que leur contenu vous appartienne aussi. Pour qu’elles ne fassent qu’un avec vos os, votre chaire, votre être, vos rêves. D’une façon qui vous laisse travailler – ou qui vous force à le faire.

2. Cette façon de tout absorber avec voracité est une impression qui m’est restée après avoir visité le studio de Delphine, au New Jersey, il y a plusieurs années. J’étais envieux de l’énergie qu’il y avait dans cette salle. Même si elle n’occupait pas l’espace depuis bien longtemps, de grands tableaux étaient déjà accotés contre les murs. Ils contenaient des personnes, plus précisément des nymphes et des fées. Et des fleurs. Et tout cela était aussi des nuages et des taches de couleurs criardes auxquels on donnait des formes pour qu’ils deviennent parfois fiction, parfois visions féériques, grâce à des contours arrondis ou pointillés. Au centre de la pièce trônait un chariot de métal rempli de tubes de peinture et de pinceaux. L’aspect romantique de la scène vacillait et s’imposait malgré la présence évidente du travail assidu.

3. C’est une source d’images peintes, l’histoire d’un courant particulier en peinture que Delphine dévorait et régurgitait à l’époque et qu’elle dévore et régurgite encore aujourd’hui. Sans nécessairement saisir le récit et le contenu symbolique des tableaux, j’étais stupéfait, lors de cette première visite, de l’intensité de leur pouvoir d’immersion. La quantité d’œuvres et leur dynamisme formel reflétaient un processus artistique propulsé par un désir proche d’un besoin, comme si l’imagination et la réalité se percutaient sur un rivage sauvage. Comme c’est normalement le cas pour les besoins intenses, celui-ci, c’est-à-dire la propension de Delphine à reprendre et à retravailler ses œuvres, témoigne de son anxiété. Avoir autant besoin de quelque chose est savoir que la chose dont vous avez besoin pourrait un jour se tarir. Alors vous poursuivez aussi vite que vous le pouvez. À effeuiller à la fois des livres sur la peinture et les archives de vos idées. En prenant tout en entier, autant que vous le pouvez. Vous tournez les pages. Et y laissez des traces de peinture épaisse qui fleurissent comme des taches d’huile, vous renversez des formes qui prennent parfois la forme d’une chimère ou d’un corps étrange sur la toile.

4. Mais rien de cela ne signifie qu’il y a absence de technique. Avec sa façon de peindre, Delphine traduit les langues historiques de l’art pictural en une vibration. Ce n’est plus une langue, c’est un champ de force. En contraste avec le travail historique dont elle s’inspire (celui de Cranach, si je me fie à la dernière fois où nous avons discuté), qui est caractérisé par une tension de vraisemblance harmonieuse et une étrangeté hypnagogique, les peintures de Delphine sont suspendues dans un état d’effondrement. Presque des vanités, comme de magnifiques néons en putréfaction. Mais ce ne sont pas des fruits et de la chair qui pourrissent ici, à la fois en train de mourir et de vivre, mais leur équivalent sous la forme nourricière de la peinture elle-même.

5. L’inspiration historique de l’œuvre est perceptible dans la présence d’humains habillés de vêtements d’une autre époque et de motifs qui reprennent les thèmes d’une autre période artistique, comme les mères qui prennent soin de leurs enfants : Vénus et Cupidon de Cranach, la Pietà de Michel-Ange. Cependant, ici, la douceur douloureuse de ces inspirations historiques s’est décomposée, picturalement et biologiquement, en vagues montages de qualités picturales (taches, pièces, champs, traînées, lignes...) qui, au lieu de tromper l’œil humain, traduisent un état d’inachèvement éternel. Une relation inachevée, non finalisée, et donc réelle. Avec la peinture, oui. Mais, en passant par la peinture, une relation avec le plaisir dans toute sa complexité envoûtante et terrifiante.

Texte de Mitch Speed


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Biographie

Delphine Hennelly (Montréal, Canada) a obtenu son baccalauréat en beaux-arts de Cooper Union en 2002 et sa maîtrise en beaux-arts de la Mason Gross School of Visual Arts à l’Université Rutgers au New Jersey en 2017. En tant que peintre, dessinatrice et estampière occasionnelle, Delphine Hennelly explore la figuration en utilisant principalement le corps féminin. Elle a été trois fois lauréate du prix de la fondation Elizabeth Greenshields. Ses expositions récentes comprennent une exposition solo à la galerie Pt.2 (Oakland, États-Unis), une exposition de groupe organisée par James English Leary à la galerie Lisa Kandlhofer (Vienne, Autriche) ainsi qu’une exposition conjointe avec Mimi Jung à la galerie CARVALHO PARK (New York, États-Unis).