Fools for Truth
Commissaires: Delphine Hennelly & Grace Kalyta
Artistes : Alicia Adamerovich, Trevor Baird, Catherine Desroches, Ayla Dmyterko, Ben Gould, Oreka James, Élise Lafontaine, Alexa Hawksworth, Nadya Isabella, Manal Kara, Marlon Kroll, Darby Milbrath, Rose Nestler, Jacopo Pagin, Elisabeth Perrault, Anjuli Rathod, Oda Sønderland & Jessica Williams
Dates : Du 17 juillet au 23 août 2025
Vernissage : Jeudi 17 juillet, de 16 h à 19 h (présence des artistes)
Lieu : Pangée, 1305 ave des Pins Ouest, Montréal
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“La trace de la vie aiguë cachée sous les apparences arrondies de la vie, vie qui reste cachée parce que nous ne supporterions pas de la voir telle qu'elle est, dans tout l'éclat de l'horreur qu'elle est, elle qui est sans pitié, comme doit l'être le dessin.” - Hélène Cixous, publié dans Repentirs (1991):
Inspirés par l'essai d'Hélène Cixous sur le dessin « Sans Arrêt, non, État de Dessination, non, plutôt : Le Décollage du Bourreau» tiré du recueil Repentirs, nous avons réuni des artistes dont le travail, toutes disciplines confondues, s'articule autour du dessin. À la manière de l'esquisse en constante évolution, chaque contribution reflète une perception cyclique du temps – perpétuelle et fluide – non linéaire, résolument frénétique. Ces œuvres s'érigent telles des monuments à la survie : à l'égo qui émerge à l'aube, se déployant sans retenue, fragile et abîmée, mis à nu dans le désordre à venir. Le dessin est ici à la fois un geste matériel et un ancrage conceptuel. Le mouvement à travers la page devient la clé afin de mieux comprendre ce qui nous échappe, nous permettant d’esquiver les contours qui nous définissent. La marque est un outil de navigation pour faire face à ce qui nous brise, nous tourmente et, finalement, nous libère de la paralysie de l'ineptie.
En dialogue avec le concept d'« archi-écriture » de Jacques Derrida, Cixous décrit le geste répétitif de la forme dans le langage. Derrida affirme que chaque expérience comporte une répétabilité ; un événement est décrit, ce qui le rend passé et non plus présent, évoquant une image qui se déplace de manière cyclique, formant la mémoire, l'anticipation, le passé et le présent, la répétition. Ainsi, le langage fonctionne sur cette répétition innée, même minime. Appliqué au dessin, Cixous considère ainsi le concept « trace » de Derrida, comme d’un outil pour définir ce qui est absent, une présence qui n'est plus visible, le libre jeu du sens de définir ce qui est à la fois extérieur et intérieur au cadre de l'image. Au lieu de rechercher une vérité fixe ou de figer une signification, la trace, c'est marquer l’absence de, trouver un sens dans la relation, par association, et dans l'acte lui-même.
Il existe un phénomène qui se produit pendant les heures nocturnes, juste avant l'aube, lorsque les rythmes circadiens sont les plus sensibles à une peur accrue et aux forces surnaturelles. L'heure du loup est le terme que nous utilisons pour désigner cette période du milieu de la nuit où l'on peut entrer dans une lutte psychique acharnée, confronté à la capacité de déchiffrer l'équilibre entre le Bien et le Mal, le vrai et le faux. Cixous écrit : « Je veux le monde des pulsions, avant le destin, je veux la nuit prénatale et anonyme. Je veux (l'arrivée) voir arriver. […] Il fait nuit pleine. Je sens que je vais écrire. Toi, que j'accompagne, tu sens que tu vas dessiner. Ta nuit attend. »
Il n'est pas surprenant que les artistes préfèrent la nuit. Le stéréotype selon lequel la création est plus fertile lorsque le reste du monde dort. Beaucoup peuvent s'identifier à l'agitation nocturne, une réponse somatique à un débordement cognitif qui provoque des mouvements incessants — une manifestation corporelle — tandis que l'esprit s'emballe, traçant et cartographiant des chemins à travers la mémoire et les futurs imaginés. Le dessin semble particulièrement bien adapté à cette frénésie du doute, fonctionnant comme un moyen de s'orienter au milieu de l'incertitude épistémologique avec un marqueur provisoire, mais résonnant de la vérité. Voici une bouée solitaire dans une mer tumultueuse, un marqueur de quelque chose de réel, une phrase qui sonne juste.
En cédant à un état de fugue comme méthode pour avancer vers la révélation, tous les artistes de ce groupe — qu'ils travaillent avec de l'argile, de la cire, du papier, de la peinture ou de l'acier — semblent comprendre intuitivement que le dessin n'est pas seulement un moyen d'atteindre une fin, mais plutôt une acceptation cyclique : un mode d'harmonisation, une façon d'habiter le monde et d'évoluer en accord avec lui. Car nous aspirons aussi aux stigmates, à trouver la trace de l’infini créatif. Revendiquer le passage de la nuit au jour ; l'acte de donner naissance ; un état infini de devenir. Pour que l'œuvre existe, l'action – violence, tourment, découpe, changement, fixation – le balancement de la lame du bourreau – ce travail d'amour, de douleur, d'extase précède et laisse sa marque.
- Un texte de Delphine Hennelly & Grace Kalyta
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Delphine Hennelly a obtenu son baccalauréat en beaux-arts de Cooper Union en 2002 et sa maîtrise en beaux-arts de la Mason Gross School of Visual Arts à l’Université Rutgers au New Jersey en 2017. En tant que peintre et dessinatrice, Delphine Hennelly explore la figuration en utilisant principalement le corps féminin. Elle a été trois fois lauréate du prix de la fondation Elizabeth Greenshields. Ses présentations récentes comprennent What a Day!, une exposition de groupe chez Everyday Mooonday (Séoul, Corée) ; Fluuuuuido, une exposition des groupe commissariée par Edoardo Monti présentée à Cassina Projects (Milano, Italie) ; une participation à Platform, de David Zwirner ; ainsi que le solo Beguiling Tedious Hours chez Pangée (Montréal, Canada). En novembre 2022, elle aura un solo chez CARVALHO PARK (New York City, États-Unis). Elle était récemment en résidence au Palazzo Monti (Brescia, Italie). Elle vit et travaille à Montréal et est représentée par Pangée.
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Grace Kalyta (née en 1991, territoire des Traités no 1, Manitoba) est une artiste basée à Tiohtià/Montéal dont les peintures et sculptures explorent les quêtes et performances d’abondance dans le design personnel, l’ornementation et le spectacle. Kalyta collecte des images provenant d’espaces en ligne dédiés à la circulation rapide d’objets et de matériaux, recadrant et agrandissant des images jetables pour créer des compositions provocantes. À travers la recherche d’images et l’intégration d’éléments décoratifs, Kalyta provoque des dichotomies entre le haut et le bas dans les systèmes de classe et de valeur, la séduction et l’éclat, ainsi que l’interaction entre présentation et perception dans la réalisation matérielle de soi. Kalyta a obtenu un Baccalauréat en beaux-arts (BFA) avec distinction en 2018 à l’Université Concordia et est actuellement candidate à la Maîtrise en beaux-arts (MFA) à l’Université Concordia. Kalyta a participé à des résidences en Islande (Nes Residency, 2021) et en Grèce (faveLAB, 2019). Parmi ses expositions récentes, on peut citer : Hall of Mirrors (2024), Pangée; Thank you, I’m rested now. I’ll have the lobster today, thank you (2024), à Margot Samel (NY) et Pangée (Mtl), Foultitude (2023) à Projet Casa, Montréal; Untitled (2023) à la Galerie Cache, Montréal; Spaghetti Western (2022) à GHAM & DAFE, Montréal; Opið Hùs (2021) à Skagaströnd, Islande; Privé (2020), Montréal; Textile Quintet (2019) à Pirgos Tsikaliotis, Leonidio, Grèce; et On the Pulse (2018) à Eastern Bloc, Montréal.