Gaze and Gesture
Artiste : Russell Banx
Dates : Du 14 novembre - 21 decembre, 2024
Vernissage : jeudi 14 novembre, 16h – 20h (en présence de l’artiste)
Lieu : Pangée, 1305 ave des Pins O., Montréal
-
Quelque part dans une banlieue nord-américaine, un adolescent s’évade dans le territoire de ses rêves. C’est un garçon d’une masculinité délicate. Son corps est doux, sa posture adolescente, affaissée. Son expression est impassible, presque indéchif- frable. Depuis plusieurs années, Russell Banx explore les variations de ce personnage qu’il présente dans Gaze and Gesture, sa plus récente série de dessins illustrant la jeunesse dans des postures languissantes, vulnérables, absentes.
Les personnages semblent n’habiter que la surface. Banx s’intéresse à la forme extérieure — contour, motif, ombre, geste —, adoptant un style visuel réaliste inspiré de la Nouvelle Objectivité allemande, qui met l’accent sur la matière et l’environnement. Il montre la monotonie de la banlieue : maisons alignées en rangées identiques, envi- ronnements calmes et ternes, inactivité domestique. Pourtant, ces espaces sont aussi habités d’une certaine charge. Banx ne s’intéresse pas seulement à la représentation objective de cette réalité sobre, mais également à la possibilité de quelque chose qui dépasse l’observable. Son réalisme est expressif.
Dans son traitement lisse de la surface, le motif d’un courant est réduit à une géométrie essentielle. La courbe d’une aisselle s’étend jusqu’à la spirale d’un fauteuil. Ces formes évocatrices insufflent au monde temporel une énergie, un esprit qui soulèvent des questions métaphysiques sur l’espace, indiquant que notre expérience des objets n’est pas qu’empirique. Dans ces surfaces habituellement dures et rectilignes, il y a un degré de douceur inhabituel ; l’irréalité des environnements est accentuée par l’arron- dissement des formes.
Les figures éphèbes de Banx habitent ces espaces, perdues dans leurs pensées inaccessibles. Ils sont détachés de leurs expériences physiques. On se demande où ils sont partis, psychiquement. Souvent assis, les garçons exhibent un langage corporel discret, parfois même défensif : un pied glissé derrière l’autre, une main entourant le torse pour le protéger. Ni vêtus ni nus, ils sont dotés de généreuses et imposantes mains avec lesquelles ils effleurent distraitement des objets délicats. Leurs expressions éloignées, portées comme des masques, évoquent une distance rêveuse et émotive. Certains semblent même chavirés.
Une boîte de mouchoirs apparaît à travers plusieurs œuvres, la finesse d’une feuille seule semblant symboliser la douceur, reprise dans la dentelle des rideaux trans- parents et les plis d’un abat-jour. Mais elle agit aussi comme un voile, un film mince entre le monde tangible et les espaces de la vie imaginative — une preuve que, même dans cette immobilité incroyable, il y a un monde en mouvement. Il y a certainement une tension psychologique dans les images de Banx, malgré leur silence, qui transmet une communication entre la matière et l’esprit. Banx met l’accent sur le dessin comme acte préparatoire, analogue à l’adolescence — un processus de maturation —, incarné dans les postures fragiles des garçons. On ressent que ce qui est représenté est le moment où une conscience juvénile commence à émerger.
Texte par Sarah Messerschmidt
-
Russell Banx (né en 1986, Peterborough, ON) est un artiste basé à Montréal Tiohtià:ke/Mooniyang. Pour Russell, l’application laborieuse du graphite est en soi un acte d’empathie et de patience, une permission pour les souvenirs de remonter à la surface. Fortement influencée par la première vie de Banx en tant que musicien, sa pratique réinterprète des perceptions fugaces de ce qui semblait alors être la réalité. Sa représentation de figures masculines lui permet d’explorer des thèmes tels que la vulnérabilité, la hiérarchie sociale, l’ego, ainsi que les liens entre l’intimité et l’intimidation.
Son travail fait déjà partie de nombreuses collections, telles que la collection Majudia et la collection Senvest, et est en cours d’acquisition par le Musée des Beaux-Arts du Canada.
Banx est représenté par Pangée (Montréal).
-
Vues de l'exposition photographiées par : William Sabourin
Images individuelles photographiées par : Paul Litherland