The ideal place is an open field  [L’idéal serait un champ à perte de vue]

Artistes: Plum Cloutman (Londres et North Norfolk), André Ethier (Toronto), Alexandre Guay (Montréal)
Exposition: Du 25 février 2021 au 10 avril 2021

Ce matin, je lisais 25 Kites That Fly de Leslie L. Hunt, un ouvrage pédagogique sur la fabrication de cerfs-volants rudimentaires. Bien que le livre soit écrit dans un style méthodique et fourmille de détails, des différents matériaux de conception jusqu’aux types de colle utilisés, les descriptions de Hunt m’ont fait goûter à la joie pure et au bonheur absolu qu’un vol de cerf-volant peut faire naître. À vrai dire, je ne pense pas avoir jamais été capable de faire voler un cerf-volant correctement, mais l’émerveillement caractéristique qu’un tel jeu provoque refait surface en moi à l’occasion, quand je découvre par chance des œuvres d’art poignantes et décomplexées. Dans L’idéal serait un champ à perte de vue, les toiles vivifiantes de Plum Cloutman (North Norfolk, Royaume-Uni), d’André Ethier (Toronto, Canada) et les candides sculptures en céramique d’Alexandre Guay (Montréal, Canada) dégagent ce rare sentiment d’exaltation et d’épanouissement que génère le cerf-volant lorsqu’il s’élève. On s’empresse alors de serrer fermement la ficelle, comme si on tirait sur la laisse d’un chiot survolté qui s’envolait dans le ciel bleu clair.

Le titre de l’exposition, L’idéal serait un champ à perte de vue, est tiré du chapitre V du livre de Hunt, « Conseils pour voler ». Celui-ci exprime une idée qui jette les bases permettant à Cloutman, Ethier et Guay d’imaginer personnages et paysages : « Il est beaucoup plus facile d’indiquer dans quel genre d’endroit voler que de trouver le lieu approprié. » Cloutman revisite la maison de son enfance pendant la pandémie et c’est cet espace, à la fois familier et fertile, qui accueille les observations hallucinées de l’artiste, tout comme la fenêtre à travers laquelle elle regardait enfant. En partageant le regard de l’artiste, on est grisé·e de voir apparaître de gentils caniches dans les nuages, de surprendre la magnifique étreinte de deux corps taillés dans des buissons et des arbustes — les images s’embrouillent au fil des métamorphoses, des formes frétillent, deviennent motifs hallucinatoires et se dispersent lorsqu’on cligne des yeux.Travaillant aussi les états de conscience altérée, la toile d’Ethier, Mushroom Mountains [Montagnes Champignon], dépeint des champignons rouges et charnus qui ressemblent à des amanita muscaria, connus pour être hallucinogènes lorsqu’ingérés. Mis à part l’euphorie qu’ils peuvent susciter, les champignons magiques et leurs propriétés psychoactives invitent aussi à l’introspection. En troquant la substance par de la peinture à l’huile, la plus récente série de l’artiste s’intéresse aux paysages intérieurs qui illustrent des quêtes personnelles et solitaires menant vers l’illumination. Quant à Alexandre Guay, la plasticité de l’argile et les possibilités infinies offertes par la glaçure lui permettent d’imaginer un monde rempli de légèreté et peuplé de filous malicieux. Notre cœur ne peut que fondre à la vue de ces personnages remplis de douceur et de candeur, qui exhibent leurs prouesses acrobatiques dans la galerie. Guay considère sa pratique comme un moyen de donner corps aux sentiments de joie et d’amour, de les rendre encore plus visibles à nos yeux.

texte par Michelle Bui
— Traduction par Daphné B.


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Biographies

André Ethier (Toronto, Canada) travaille à partir de son subconscient, permettant ainsi à des moments de tendresse et de beauté de jaillir dans ses toiles. En examinant la perception qu’il a de sa famille et de lui-même, il construit des récits qui deviennent des expériences partagées riches et complexes. Tout récemment, Ethier a participé à des expositions individuelles, notamment à Paul Petro (Toronto), Harper’s Apartment (New York), Derek Eller Gallery (New York) et Honor Fraser (Los Angeles). Il a participé à des expositions collectives au Musée des beaux-arts de Montréal et au Weatherspoon Art Museum de Greensboro, en autres.

Plum Cloutman (North Norfolk et Londres, Royaume-Uni) a terminé ses études au Edinburgh College of Art en 2018. Son travail, dont l’échelle varie du minuscule au monumental, dépeint un monde où des personnages imaginaires sont engagés dans des situations qui peuvent aussi bien être tendres, tristes, absurdes ou extraordinairement naïves. Depuis sa graduation, Cloutman a exposé son travail à de nombreuses reprises, que ce soit à Édimbourg ou à Londres. Elle est lauréate du Catriona White Prize, du Lyon Prize et du Turnbull Prize, en plus d’avoir participé à l’exposition New Contemporaries de la Royal Society of Arts (2019).

Alexandre Guay (Montréal, Canada) est un artiste multidisciplinaire qui étudie en céramique et en sculpture à l’Université Concordia. Il fait partie du collectif artistique Passage Secret depuis 2018. L’approche de Guay est spontanée et reflète l’énergie qu’il déploie lorsqu’il manipule couleurs et matériaux, façonnant l’expressivité et la candeur de ses personnages. Dans la dernière année, il a participé à des expositions collectives au Prometheus Projects (Montréal), à la Bruises Gallery (Montréal), et il a récemment collaboré avec la marque Paloma Wool, à New York.