Cold Hard Excellent Fish

Artiste: Trevor Baird
Exposition: Du 13 novembre au 18 décembre 2021

Les œuvres de céramique de Trevor Baird sont tapissées de croquis, de bandes dessinées et de motifs que l’artiste déniche dans son réservoir personnel d’images. L’image pauvre (voir poor image), sérigraphiée maintes et maintes fois, paraît vaporeuse, comme peinte à l’aquarelle. Transférée sur de l’argile humide et mise en forme, elle se voit décontextualisée, puis recontextualisée. Ce processus de duplication et d’altération culmine en une forme de dégénérescence, puisque les images représentées par Baird, quasi spectrales, ne sont que duplicatas de duplicatas. La présence prépondérante du bleu électrique rappelle les hyperliens qui abondent sur le web. Empruntant aussi à l’éthos chaotique de l’internet, les images qu’on retrouve dans l’œuvre de l’artiste ne présentent aucune logique narrative. Puisées à même son flux de conscience débordant, elles sont ensuite fixées à un objet tridimensionnel.

Si Cold Hard Excellent Fish marque un point tournant pour Baird, c’est parce que les œuvres présentées s’écartent légèrement de sa production habituelle de vases. L’artiste investit d’ordinaire le vase afin d’attribuer à ses images la valeur connotée par le récipient, mélangeant délibérément les registres, la culture populaire et intellectuelle, en plus d’interroger les notions de classe, de travail manuel et de capital culturel. Dans l’histoire, le caractère unique et la préciosité des vases de porcelaine ont été pervertis par la production industrielle. En créant des sculptures qui évoquent cette transformation radicale, mais qui conservent en elles l’empreinte humaine, Baird opère une forme de renversement.

Cette nouvelle série d’œuvres s’intéresse une fois de plus aux thèmes de la fonctionnalité, de l’ornementation, de la consommation et de l’accessibilité. Dans Mayonnaise (2021), Reanimator (2021) et With the Rubbish Comes the Rats (2021), plusieurs récipients s’amalgament pour former trois lampes. Ainsi, si le vase imprègne toujours le travail de Baird, il se trouve désormais transformé, métamorphosé en un nouvel objet ludique. Dès lors, des yeux, des nez qui coulent et des pieds tronqués s’allient pour former un cadavre exquis d’une inquiétante étrangeté. À la base d’une des lampes, un flûtiste solitaire fixe le sol, son instrument entre les lèvres. On croirait entendre s’échapper de lui une mélodie. Dans la deuxième salle d’exposition, une collection de petites céramiques orne les murs. Chacune des pièces existe au carrefour de l’imagerie traditionnelle et de l’icône contemporain — à la fois talisman et personnage fantastique. Et si la longévité des pièces de céramique est généralement largement supérieure à celle de ses créateurs, peut-on se demander, comme Bryony Quinn : « Que déduirait un archéologue du futur sur la personne et la civilisation qui ont produit ces œuvres ? » 

Trevor Baird combine le langage millénaire des céramiques à l’esthétique contemporaine de la bande dessinée pour créer des objets hybrides qui dégagent une sentimentalité propre au courant DIY, mais qui tendent aussi vers une perfection idéalisée, propre à la production industrielle. À partir de procédés itératifs comme le moulage et la sérigraphie, son travail met en évidence une démarche où l’intervention et l’erreur sont cultivées à chaque étape du processus.

Traduction par Daphné B.


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Biographie

Trevor Baird (née en 1990 Vancouver, au Canada) vit et travaille à Montréal. Il a étudié à l’université NSCAD d’Halifax et possède un baccalauréat en beaux-arts (céramique) de l’Université Concordia. Il a exposé au Eli and Edythe Broad Museum à Lansing, à la galerie Harpy de Rutherford, à The Hole, à New York, avec Projet Pangée, à Montréal, ainsi qu’à Arsenal, à Toronto. En 2019, il faisait partie des finalistes pour le prix Winifred Shantz et il a participé à l’exposition La machine qui enseignait des airs aux oiseaux au Musée d’art contemporain de Montréal (Canada). Il est représenté par Projet Pangée.