Un endroit pour entreposer toutes les affaires que je trouve et fais — Violet Violet puise dans l’univers cinétique qui l’entoure : elle le découpe en images statiques qu’elle réanime jusqu’à les faire tituber. Ses vidéos sont des Frankenstein, des assemblages de médiums et de temps, en ce qu’ils fusionnent moments et matériaux pour leur donner une nouvelle vie. Animée par Violet dissèque à nouveau ces vidéos pour en tirer des images fixes qui illustrent sa démarche simple et analogue, sensible au mouvement et au temps.

Grâce à d’habiles manipulations comme le collage, le dessin et l’impression, Violet transpose la vie 3D en 2D. Elle imprime les clichés qu’elle tire d’appareils photo jouets et de iPhone avec des imprimantes cassées, puis les scotche, les colle, les coud, les agrémente d’autocollants et les compile dans de vieux cahiers d’écriture des années 1920 qu’elle rafistole et réutilise consciencieusement. C’est dans ces cahiers que sommeillent les images qui attendent impatiemment d’être réordonnées pour revivre. Ce procédé alchimique les fait passer du mouvement à l’arrêt, au mouvement à l’arrêt. Cela aussi distille le temps, sature chaque photogramme de la promesse d’être animé.

Les techniques simples de Violet confèrent à son travail tactile une apparence de facilité - comme si les bouts de papier se dépliaient d’eux-mêmes et se déplaçaient, d’image en image. Dans Animé par Violet, chaque oeuvre semble figée, suspendue au bord d’un précipice. On dirait qu’une fois les portes de la galerie closes, elles sortent de leur stupeur : une fille faite en stylo bille voltige et fait des anges dans la neige ; un poisson rattrape son banc à l’autre bout de l’aquarium ; tu surprends ton ombre allongée sous le soleil matinal et tu la prends en photo, avant de te rendre au travail dans une ville étrangère.

Si les vidéos rappellent les journaux intimes (des collections de moments et de souvenirs qu’on accumule au fil de la journée), elles jouent aussi le rôle de lettres d’amour adressées : à une ville, au fait d’être une fille, au processus, au temps, à la véracité inhérente des vidéos, aux livres en tant que réceptacles. C’est une lettre d’amour adressée aux brefs instants où on arrive à arrêter le temps qui passe. Quand on traverse un pont et que l'on s’arrête au milieu pour contempler la vue avant de continuer. Ces images s’écrivent comme des phrases, suspendues, arrachées au contexte de leur paragraphe. Le générique à la fin du film — « Animé par Violet » — est bien plus qu’un acte de reconnaissance, c’est une fin en soi. <3

Au coeur de cette expo et du travail de Violet se trouvent des livres ou des cahiers qui sont restaurés et réutilisés dans différents projets — remplis d’images en tension, pré-animées. Vous trouverez dans le catalogue d'exposition tout ce qui n’a pu être incorporé à Animée par Violet. On vous invite à le feuilleter comme Violet feuillette ses livres-processus ou comme les images se succèdent à l’écran dans une animation.

-Texte de Mary McNee
Traduit par Daphné B.

Violet Cheverez (née en 1997) vit et travaille à Brooklyn, New York. Violet utilise l’animation, l’impression et le collage comme une plateforme d’exploration. Ses animations et ses travaux d’impression font appel à la photographie, au Copy Art, à l’illustration et aux images trouvées. Cheverez oppose les idées aux images en mouvement et à l’immobilisation du temps par le biais d’une documentation de sa vie intime et du quotidien.