Danser avec son fantôme
Artiste : Elisabeth Perrault
Dates : 21 janvier au 11 mars 2023
Vernissage : 21 janvier, 16h – 19h (en présence de l’artiste)
Lieu : Pangée, 1305 ave des Pins O., Montréal
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Pour que les hommes s’instruisent, ils doivent être séduits par l’esthétisme, mais comment peut-on rendre l’image de la mort agréable ?
– Arnaud-Éloi Gautier d’AgotyPar la contenance langoureuse et sensuelle de son corps enjolivé et sa fragilité inhérente, la Vénus anatomique s’offre entière, conquise. D'abord mythifiée, adorée et désirée, Vénus est sacrée symbole de beauté, de pureté et d’innocence. Au regard scrutateur et rationnel des scientifiques d’hier, ce sont ces qualités mêmes qui, bien malgré elles, ont suscité le désir de manipuler son corps, de le déposséder, et d’y contempler, jusqu’au fond de ses entrailles, la vie qui s’y crée. En ce sens, c’est dans un contraste brutal et romantique entre la vie et la mort, la beauté divine et la curiosité macabre, qu’Elisabeth Perrault parvient, coûte que coûte, à capturer la vie.
Ayant depuis ses débuts traité de sujets qui tendent à éveiller un certain inconfort, Perrault édifie le corps en objet dissécable et révèle ce qui d’ordinaire demeure invisible. Faisant usage des techniques propres à l’artisanat, elle travaille le textile pour donner vie à ses sujets et s’attarde avec minutie à produire des nuances porteuses d’intimité, de vulnérabilité et de sensibilité. Dans son installation in situ, Perrault tapisse de fleurs et de perles ses sujets magnifiés. Par son œuvre, l’artiste continue de nourrir et de façonner l’imaginaire collectif entourant la Vénus anatomique. Or, le regard qu’elle pose sur la docilité de ce corps éventré est féminin. Ce faisant, elle induit une distance critique entre la charge symbolique de la Vénus à travers l’histoire et son interprétation actuelle.
Des fleurs séchées et ternies, propres à la pratique de Perrault, s'immiscent sous la peau diaphane des sculptures grandeur nature. Réelles memento mori, elles évoquent le contraste entre la vie et la mort – un thème reconduit dans l’ensemble du travail de Perrault. Elles s’offrent telle une nature morte et détonnent avec celles que l’artiste brode à la main et qui, de leurs couleurs vibrantes, soulignent le retour de la vie. Ces fleurs par centaines incarnent la nature cyclique de notre monde, de ce qui fane et renaît, dans une volonté intarissable de vivre.
Texte de Maude Raymond