L’heure du conte

Artistes : Nicholas Bierk, Trevor Bourke, Jennifer Carvalho, Jane Corrigan, Lera Dubitskaya, Katelyn Eichwald, Sara French, Yulia Iosilzon, Anjali Kasturi, Isabella Kressin, Kent Merriman Jr, Darby Milbrath, ainsi qu’une présentation spéciale d’Elisabeth Perrault
Dates : 21 janvier au 11 mars 2023
Vernissage : 21 janvier, 16h – 19h (en présence d’artistes)
Lieu : Pangée, 1305 ave des Pins O., Montreal

  • “Faisons comme si le miroir était mou comme de la gaze, et que nous pouvions passer au travers. Mais… on dirait qu’il se transforme en une sorte de brouillard ! Ce sera facile de le traverser.” Alors qu’elle disait ces mots, elle se trouvait debout sur le manteau de la cheminée, bien qu’elle ne sût pas exactement comment elle était arrivée là. Et sans aucun doute, le miroir était en train de se dissiper, comme une légère brume argentée.

    – “À travers le miroir”, Lewis Carroll


    Un·e conteur·euse surplombe une mer d’enfants (parfois somnolents, parfois remplis d’énergie). Conformément à la coutume, ille est juché·e sur un petit tabouret et tient dans ses mains une œuvre de fiction. Le texte magique transporte son public dans de nouvelles dimensions, lui permet d’affronter ses peurs, de s’adonner à ses fantasmes les plus fous et de faire la connaissance de merveilleux personnages, tout en restant à l’abri du monde, entre les murs d’une bibliothèque. Enveloppés par les odeurs de vieux bois, de livres et de tapis moisi, les enfants tendent l’oreille et savourent chacun des mots qui se détachent dans l’air.

    Un·e artiste surplombe une mer de monde (parfois indifférent, parfois enthousiaste). Souvent la première personne arrivée sur les lieux de l’exposition, ille accueille les gens et discute avec eux, les regarde s’émerveiller devant ses créations époustouflantes. Hommes et femmes scrutent ses œuvres, se penchent sur ses toiles et déambulent dans ses installations. Que l’artiste se tienne sous les feux des projecteurs ou à l’abri des regards, ille espère généralement que son travail parlera de lui-même. Le public ébahi tente quant à lui de déchiffrer ce que signifie « vraiment » son œuvre, envahi par d’infinies possibilités. Or, quand la soi-disant vérité se révèle une chimère, cellui qui regarde redevient cellui qui écoute ; ille se retrouve sur le tapis de la bibliothèque. C’est que l’œuvre a une vie propre. Et si elle pouvait se faire pousser des jambes, on la verrait courir au sol, dévaler les plafonds et les murs.

    Donner un sens à ce qui n’en a pas est ardu. Il est bien plus facile de se laisser conquérir par la nouvelle et étrange fabrication qu’on a devant ses yeux, de fusionner avec son éventail de personnages, de décors, de couleurs et de textures fantasques. Comme l’enfant assis au sol qui s’abandonne au conte, nous pouvons permettre à l’œuvre de se suffire à elle-même — en nous demandant où nous nous situons dans l’œuvre, et non où l’œuvre se situe en nous. Toujours est-il que l’heure du conte recèle invariablement d’un savoir nouveau : il peut s’agir d’une mise en garde, d’une leçon sur l’acceptation de soi, d’un récit sur les obstacles à franchir ou la sérendipité de l’amour.

    Finalement, c’est dans l’imagination de l’artiste que l’œuvre germe d’abord, se transforme et se métamorphose, avant de prendre forme sous ses mains. Cette imagination sans fin est en évolution constante ; on ne peut jamais tout à fait l’expliquer ou l’élucider — et il serait bien inutile de vouloir en fixer le sens.

    Texte de Madeline Glowicki
    Traduit par Daphné B.