Semi-détaché, nouvelle construction

Artiste: Alexa Hawksworth
Exposition: Du 13 novembre au 18 décembre 2021

Projet Pangée est enchantée de présenter Semi-Detached New Build [Semi-détaché, nouvelle construction], la première exposition solo d’Alexa Hawksworth. Ponctuée de mouvements, la série d’œuvres s’inscrit dans une dynamique d’attraction et de répulsion. Elle met en scène un enchevêtrement de figures, de silhouettes et d’ombres fantomatiques qui fusionnent entre elles, se dédoublent ou s’entrelacent. Pourtant, chaque partie des corps hybrides ainsi représentés aspire à l’autonomie et à l’émancipation.

Au milieu d’une foule agitée, une femme a l’air absorbée dans ses pensées. Elle baigne dans la lumière chaude d’un espace domestique et lit un livre qui la captive. Une véritable frénésie l’entoure cependant, tandis qu’une pléthore de personnages jaillit d’un brasier vert lime qui flamboie à proximité. Malgré l’agitation apparente, c’est à l’intérieur d’elle-même qu’elle plonge, comme fascinée par ses propres remous intérieurs. À la vue d’Interior, Night I [Intérieur, nuit I] (2021), un tableau tout en contrastes, on n’a d’autre choix que de s’interroger sur la relation qui lie cette femme insaisissable à la horde environnante. S’agit-il de deux réalités disjointes simplement dépeintes côte à côte ? La femme n’a-t-elle donc aucune idée de l’attroupement qui s’est formé à l’extérieur de chez elle ? Bien que les pages du livre qu’elle tient recèlent une promesse d’évasion, on pourrait croire la dame piégée, captive du flux incessant de son esprit égaré.

Dans Interior, Night II [Intérieur, nuit II] (2021), un homme gratte sa guitare, tandis qu’un attroupement de femmes se forme autour de lui. Les corps de ses spectatrices ondulent au rythme de la musique, se pâment jusqu’à fondre, se liquéfiant pratiquement au contact de son aura. Cette scène n’est pas sans rappeler une époque révolue — quand les nuits s’étiraient à l’infini, au temps de l’amour libre et de l’hédonisme. Mais notre musicien est-il réellement un sujet d’adoration ou se projette-t-il simplement avec nostalgie dans une ère passée ? Car il faut dire que dans la lumière bleutée de l’aube, il paraît bien seul.


Quoi de mieux que de se prélasser autour d’une piscine l’été ? On plonge, on s’ébroue, on nage ou on s’expose au soleil. Trois jeunes filles à la chevelure blonde et soyeuse profitent de ce qu’il leur reste d’enfance avant de graduellement prendre conscience de leur corps sexué. Stroke [Nage] (2021) nous dévoile leur malice, leur espièglerie et leur côté fantasque. Pourtant, une ombre plane au tableau. Et puisque le spectre sombre qui entache la scène occupe une place centrale dans l’image, impossible de l’ignorer. Une des filles sait-elle quelque chose que les deux autres ignorent ? 


Un homme et une femme, possiblement un couple, se disputent dans la cuisine. Le corps de la femme est stylisé de façon à accentuer certains stéréotypes genrés. Ainsi, sa taille fine s’accorde à son cou qui s’étire. De taille disproportionnée, la tête de l’homme flotte au-dessus de son corps. Ce dernier est d’ailleurs scindé en deux, fractionné par le corps d’une seconde femme qui s’entraîne sur un vélo stationnaire. Les mouvements de cette sportive ont beau être rapides, elle fait du sur place. Cette stagnation fait écho à l’apparente stérilité de la discussion du couple. Qui est cette seconde femme ? S’agit-il d’un idéal inatteignable, d’une aspiration ? Est-elle objet de désir, de fantasme ? Dans Eggbeater [Batteur à œufs] (2021), sa présence spectrale laisse envisager une multitude de scénarios.

Par le biais d’un humour caustique, l’exposition d’Hawksworth interroge l’individu vis-à-vis du groupe, l’identité en tant que construction sociale fragmentée et l’échec de nos représentations, qui s’écartent inévitablement de notre essence véritable.

Traduction par Daphné B.


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Biographie

Alexa Hawksworth (née en 1994 à Hamilton, en Ontario) est une peintre et une illustratrice qui vit à Montréal, au Québec. Elle a obtenu un baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia en 2020 et a exposé en duo, notamment à la galerie Family Exhibitions (Montréal) et à la Sibling Gallery (Toronto). Récemment, elle a aussi pris part à des expositions collectives comme Echo Boomers à Project Casa (Montréal), Opening Night au Rialto Hall (Montréal) et Salon d’août chez Anteism (Montréal).