Wild Objects

Artistes : Alicia Adamerovich (Brooklyn) + Sessa Englund (Los Angeles)
Vernissage : Jeudi 31 octobre 2019, 17h30 à 20h30
Exposition : 31 octobre 2019 – 14 décembre 2019

Le creux moelleux d’un fauteuil, les feuilles friables et jaunies de tournesols séchés, un résidu collant sur des bottes en peau de serpent ; tous des indices qui manifestent l’étonnante propension des objets à imprégner nos mouvements et notre façon de vivre. Les objets qu’Alicia Adamerovich (Brooklyn, É.-U.) dépeint avec justesse dans ses dessins au crayon de graphite tout comme ceux que Sessa Englund (Los Angeles, É.-U.) sélectionne, puis intègre à ses sculptures précaires, transcendent leur sens premier. Ces objets choisis servent de liant entre le monde tangible et la sphère immatérielle ; ils dévoilent des pans de l’identité des deux artistes à travers une superposition de métaphores. L’exposition Wild Objects fait référence à un système où la rationalité des objets se confronte à l’irrationalité de l’être. Cette contradiction permet d’accueillir de nouveaux symboles d’enchantement.

La douceur et la malléabilité des matériaux que Sessa Englund utilise, comme la pâte d’amandes, le silicone et le latex, s’opposent à la singularité du verre, de la résine, de la flore séchée et des objets trouvés. Cette dichotomie renforce la vulnérabilité qui se dégage déjà des œuvres. Dans la série A Fool’s Errands, les tiges longues et frêles des tournesols séchés maintiennent leur équilibre grâce à de la pâte d’amandes délicatement façonnée. Nous nous imaginons aussitôt la chair chaude des mains qui pétrit la pâte jusqu’à en faire un baume, qui l’applique avec une douce pression à la base des fleurs démesurément grandes, pour les soutenir. Si les tournesols ont perdu leur constitution robuste et optimiste de leur jeunesse, ils disposent encore de suffisamment de force pour se tenir et, contre toute attente, tromper la gravité. De nature moins anthropomorphique, mais conservant néanmoins une touche de mémoire et de vie, une paire de bottes à talons hauts tape-à-l’œil est balancée par terre, comme si le propriétaire venait de se déchausser et d’abandonner ses chaussures, après une dure journée de travail. La texture séduisante de la substance qui recouvre les semelles fait rêver. Nous nous imaginons une créature qui pourrait marcher ou flotter, sans salir la silicone blanche. Grâce à l’entre-deux que Sessa Englund génère — en étrangéisant le familier et en provoquant la collision troublante entre des matériaux et des objets —, l’artiste commande une lecture attentive des objets et une attitude empathique à l’égard de ceux auxquels nous choisissons de nous identifier.

Travaillant aussi la nature anthropomorphique des objets, Alicia Adamerovich renforce quant à elle leur potentiel surréaliste et met en lumière l’étendue des effets psychologiques qu’a l’environnement sur nous et sur nos relations avec les autres. Ses petits dessins au crayon de graphite présentent des décors surannés qui coexistent avec des textures, des fleurs et des formes humaines, dans une dimension aplanie, comme si tout avait été taillé dans la même étoffe. Avec une pointe d’humour, l’artiste joue avec la commutabilité de la figure humaine (qui devient objet) et elle s’intéresse à l’anthropomorphisme dans une perspective féminine. Avec Tableau, ce qui semble d’abord être une nature morte conventionnelle se métamorphose ; des chandelles se transforment en objets fétichisés, la fumée prend l’aspect de doigts baladeurs, tandis qu’à l’arrière-plan, une suce devient un suçon à la fois menaçant et séduisant. Adamerovich choisit ses objets parmi les souvenirs de son enfance en campagne. Ces objets nous invitent à plonger dans un monde envoûtant et doux, en nous permettant d’entrapercevoir des scènes tronquées, qui renferment une part égale de domesticité et d’érotisme. Tracés avec justesse, les dessins d’Adamerovich laissent le désir, l’anxiété et l’inéluctable prendre forme. Ils investissent des zones de tension afin d’occuper un espace liminaire, soit l’endroit où les émotions de l’inconscient rencontrent celles que l’on connaît bien. — Traduction par Daphné B.

Biographies

Alicia Adamerovich détient un baccalauréat en design (2013) de l’université d’État de Pennsylvanie. Elle s’intéresse à l’art figuratif surréaliste, notamment le dessin, la peinture et la sculpture. Une exposition solo lui est présentement consacrée à la galerie Fisk, à Portland. Elle a récemment participé à plusieurs expositions collectives, dont Pack Den Badeanzug (galerie Kornfeld, Berlin), A fairly secret army (galerie Wild Palms, Dusseldorf), Serenity Later (galerie Kunstraum, Brooklyn), Currents (Mount Analog, Seattle), Uncanny Tales (galerie Agency de l’organisation MetaMetaMeta, Brooklyn) et Surreality (galerie CRUSH Curatorial, New York). Adamerovitch vit et travaille à Brooklyn.
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One River: Artist Profile Alicia Adamerovich par Catherine Haggarty
ArtMaze Mag: Object Worship & Environments in the Work of Alicia (Leesh) Adamerovich par Olha Pryymak

Sessa Englund détient un baccalauréat en beaux-arts de la School of Art + Design de l’université d’État de New York à Purchase (2013). L’artiste utilise des objets tirés de ses expériences personnelles afin de créer des œuvres sculpturales à la fois séduisantes et redoutables. Englund se sert de son expérience de vie comme point d’entrée pour puiser dans la charpente sociopolitique d’un matériau et l’activer. Ses expositions individuelles précédentes incluent A suspended state in last (galerie The Reinstitute, Baltimore), Sympathy for Troll (galerie East of Elsewhere, Berlin). Englund a participé à des expositions collectives comme Fatal Attraction (Themes Studios, Londres), Games of Ceres (galerie King’s Leap, New York), Somethings come between us (galerie Songs for Presidents, New York), Changelings (Flying Dutchman, Londres), AADK Residents Showcase (AADK, Blanca, Espagne), Bodacioussss (Museum of Contemporary Art, Denver) et Publish or Perish (galerie Transmitter, Brooklyn). Englund vit et travaille à Los Angeles.
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Posture Media: Artist Spotlight Sessa Englund par Winter Mendelson
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