Hideous Intimacies

Artiste : Stephanie E. Creaghan (Montréal)

Scénographe : Natacha Boucher (Montréal)
Vernissage : Jeudi 20 juin 2019, 17h30 à 20h30
Exposition : 20 juin 2019 – 3 août 2019

« Ça lui avait toujours paru difficile de faire son lit, parce que le processus lui rappelait le sommeil ; ses bras qui s’alourdissaient pendant qu’elle balançait les draps au-dessus de sa tête — des drapeaux en berne — pour les repositionner, leur mouvement qui semblait ralentir puis hésiter, avant qu’ils ne retombent en place. Ce matin-là, ça lui avait pris du temps. Ça faisait déjà une heure qu’elle était réveillée, le tournoiement des draps et des oreillers formait un nid, une prison. Sa tête calée à la lisière du cercle, elle avait levé les yeux au plafond, avant de se pencher, d’attraper la tasse posée sur le rebord du lit et de boire une gorgée de café, son torse comme une virgule, sa tête pesante. Comme une sorte de fontaine pour les oiseaux. Slurp, slurp.

Elle s’acharnait à ne pas se laisser attrister par toute l’affaire avec 🀰 Chaque fois qu’elle y pensait, ses petits yeux stupides rapetissaient comme des ressorts comprimés prêts à bondir et — whatever. Elle se sentait tellement conne. Elle avait passé une nuit avec elle. Une seule. Mais ce n’était pas ça qui l’avait poussée à fantasmer autant. Sortir avec 🀰 ou plutôt, passer une seule soirée avec elle, avait été comme s’entraîner pour un demi-marathon, et toute cette graisse stagnante qui ne servait qu’à genre, la fixer des yeux, avait été transformée en un lent mouvement vers elle, l’énergie qu’elle consacrait d’habitude à la convoiter oculairement se mobilisait cette fois pour lui permettre d’approcher son corps du sien, d’interagir avec elle, secouée par des hoquets, en ravalant des mottons de peur bleue mélangée à de la bave, et quand elle avait enfin eu son numéro, quand elle lui avait enfin demandé et avait reçu ce « oui » profond et grisant, le mot avait résonné dans ses tripes, avait fait fleurir ses hanches, écartées, complètement, accueillantes, avait renforcé son sentiment de plénitude, son corps devenant davantage comme un corps, plus épais, avec plus de dimension, corpulent et sensuel, se déployant sur tout ce qu’elle —

Se déployer, c’est ça qu’elle s’était alors mis en tête de faire, avec son désir, le mesurer. Elle devait développer son endurance, cultiver sa patience, dans son cœur qui galopait. Elle devait faire fondre la lance de bronze qui rayonnait si fort à travers son corps, de la cime de ses cheveux jusqu’à cette affamée de — » — Traduction par Daphné B.


Biographies

Stephanie E. Creaghan est une autrice, une artiste vidéo et une performeuse qui réside à Montréal. En combinant divers langages (audio/visuel/physique/écrit), ses œuvres abordent la façon dont la violence s’infiltre dans différents types de communication, cherchant à révéler des formes insidieuses de manipulation et la souffrance qu’elles génèrent, afin d’exposer au grand jour ce que l’on passe sous silence/ce que l’on réprime. Elle est la cofondatrice/directrice de la galerie CK2, a cofondé/dirigé la galerie LOCK (2013-2014). Ses œuvres ont été exposées à Montréal, Toronto, London (ON), Chicago, New York et Prague. Elle a été la commissaire d’expositions à Montréal, à Toronto, à New York et à Austin. Elle a produit des œuvres sur commande pour le Festival de la poésie de Montréal, a performé à la Fonderie Darling, à la galerie 8Eleven et à Projet Pangée. Elle a effectué deux résidences à l’international (betOnest, Stolpe/Oder, Allemagne, 2017, et Cow House Studios, Wexford, Irlande, 2013), a reçu des bourses du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et de l’Université Concordia. Ses textes ont été publiés par LESTE Magazine, PANK Magazine, Permanent Sleep Press et Hypocrite Reader. Elle détient un B.A. en intermédias/art électronique de l’Université Concordia. L'artiste aimerait remercier le Conseil des arts du Canada pour leur généreux soutien.

Presse récente
:
Allied Productions Inc. : The Lantern X LVNEA
Glamour Girl Magazine : Book Six — The Art of the Body: A Body of Art


Natacha Boucher expérimente avec les aspects matériel et expérientiel de la scénographie qu’elle conçoit autant comme un cadre pour la performance qu’une installation, ou encore, en tant que dispositif pour raconter. Par la scénographie, elle explore : l’eros et le jeu, le langage et le geste, et les différentes perceptions du temps (naturel/ historique/ narratif), souvent de façon subversive et toujours à partir d’une compréhension phénoménologique du monde que nous partageons. Elle détient une maitrise en Histoire et théorie de l’architecture de l'Université McGill; a obtenu une résidence de recherche-création en architecture à The British School at Rome appuyée par le Conseil des arts et lettres du Québec; et a produit des expositions d’art contemporain de grandes envergures notamment pour Ed Atkins et Jasmina Cibic au DHC/ART (maintenant Fondation Phi) à Montréal.